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Qui a peur de l’Éducation au cinéma ?

L’ancien ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a voulu marquer de son empreinte la rentrée scolaire 2023-2024. Reprenant l’idée qu’aucun·e élève ne doit se retrouver en classe sans professeur·e, il annonce que dorénavant les formations professionnelles des enseignant·es se feront sur le hors temps scolaire. Pour les mêmes raisons, une directive pour des responsables de collèges et lycées indique que chaque absence d’enseignant·es doit être assurée par un ou une de ses collègues dans le cadre du pacte scolaire. Ces annonces, principalement à destination des enseignant·es, ont trouvé un écho important dans le secteur de l’éducation culturelle, populaire et sociale.

Rapidement nous avons vu le risque d’un arrêt brutal des formations sur les dispositifs scolaires, les professeur·es préférant, et c’est normal, des formations qui s’inscrivent sur le temps scolaire. Nous savons qu’elles sont indispensables pour continuer à faire exister les dispositifs sur le terrain ; rappelons également qu’elles font partie intégrante des cahiers des charges des dispositifs. La nouvelle génération d’enseignant·es, moins sensibilisée à porter des projets culturels puisque sans formation initiale sur ces thématiques, doit pouvoir continuer de participer à des temps d’échanges et de formation tout au long de sa carrière. C’est pourquoi nous demandons la création d’une exception « éducation artistique » dans la future réforme des enseignant·es, au regard de leur importance pour les dispositifs scolaires. La tribune de l’association de l’Archipel des Lucioles, que nous avons signée et relayée auprès de nos adhérent·es, explique très bien tous les enjeux actuels. Nous comptons aussi sur vous pour nous faire remonter les difficultés rencontrées dans vos salles.

Au-delà de choix qui provoquent une fragilisation des politiques culturelles volontaristes portées par les deux ministères depuis plus de 30 ans, il faut s’interroger sur le manque actuel de volonté des ministres de se saisir des enjeux de formation au cinéma et aux images. Dans quel autre secteur culturel deux ministères peuvent-ils s’enorgueillir d’avoir des dispositifs nationaux qui ont montré leur valeur, qui représentent près de 2 millions d’élèves touché·es par an, avec un cahier des charges et un catalogue réfléchi de façon paritaire et concertée entre culture et éducation ?

De plus, aux dispositifs nationaux s’ajoutent toutes les initiatives locales élaborées au fil du temps grâce à l’inventivité des partenaires sur le temps scolaire et extra-scolaire, avec une implication forte et indispensable des collectivités territoriales. Il faudrait mieux s’emparer de cette réussite nationale, unique en Europe et dans le monde, pour en faire un étendard républicain et le revendiquer beaucoup plus haut et fort. De la pédagogie est aussi nécessaire à l’intérieur même de la filière. Lors des Rencontres Cinématographiques de l’ARP, qui se sont tenues au Touquet au mois de novembre, on a pu entendre certain·es participant·es proposer l’instauration de ciné-clubs à l’intérieur des établissements scolaires. On se rend compte alors du décalage qui existe entre notre pratique quotidienne et les demandes des cinéastes, mais également des politiques eux-mêmes. Rassurons-les ! Tous les jours dans tous les cinémas Art et Essai de France, c’est la fête du cinéma pour la jeunesse avec des projections grand écran, des rencontres, des débats, des ateliers de pratiques artistiques et culturelles… Nous faisons connaître les cinéastes et les oeuvres, découvrir des cinématographies, portons les films moins médiatisés au-devant de la scène. Nous faisons notre travail de passeur dans un moment où la présence des écrans et les sources d’informations se sont multipliées et où l’on voit arriver dans les circuits de distribution classiques des films à tendance complotistes ou déformant la réalité à des fins de propagande ; où les réseaux sociaux bruissent des activités trash d’une téléréalité sans barrière. Il nous semble plus indispensable que jamais de maintenir et développer massivement le travail de médiation et de formation aux images. À ce titre, nous continuons de revendiquer le triplement des médiateur·rices comme un axe prioritaire des signatures des conventions État/Régions 2023-2025, comme l’a annoncé le président du CNC au mois de mai dernier. C’est pourquoi, nous appelons à la création d’un fonds en faveur de l’éducation artistique aux images, dans un contexte de généralisation de l’environnement numérique, de standardisation des contenus, des points de vue et des imaginaires sans équivalent auparavant. Pour que les actions Étudiant·es au cinéma perdurent, il ne faut pas entraver ou vouloir bouleverser totalement un écosystème construit patiemment au fil des années. Le Conseil d’administration de l’AFCAE a adressé le 29 mars 2023 un courrier au CNC et au pass Culture pour dénoncer le risque de glissement des crédits des dispositifs scolaires vers la part collective du pass Culture. Avec nos partenaires sur le terrain, nous sommes très vigilant·es concernant l’utilisation de cette partie des finances publiques qui devrait être dévolue à des sorties culturelles (et non pas de loisirs), à des dispositifs complémentaires d’accompagnement des pratiques existantes (et non pas en remplacement) et à la possibilité de créer des temps de médiation (et non de consommation).

Les considérations partagées ici peuvent s’associer à une réflexion plus générale, en concertation avec l’ensemble de la profession, sur les dispositifs existants en vue de les ajuster, de les repenser, de les faire évoluer, afin qu’ils perdurent et continuent de former les publics de demain. Lamartine disait qu’il est plus facile de détruire que de construire. Pour que cela n’arrive pas, poussons nos politiques à revendiquer, comme nous le faisons, l’action culturelle comme un des fondements de notre société et de notre exception culturelle.

Guillaume Bachy, président de l’AFCAE
Edito CAE n°294 – Janvier 2024

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