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Netflix : "Nous aimons tellement le cinéma que..."

 

La sélection de deux productions Netflix en compétition : voilà le sujet d’actualité qui aura concentré l’attention des professionnels à Cannes. Chacun aura compris qu’il s’agissait du début d’un processus de remise en cause d’une régulation « à la française » et que l’opérateur Netflix avait saisi à quel point l’écho médiatique de Cannes pouvait lui servir.

Pour une partie de la presse, on assistait à l’affrontement caricatural entre les «dinosaures» (comprenez les exploitants) et les «modernes» (comprenez Netflix). Les deux adjectifs que l’on retrouvait souvent accolés au thème de la « chronologie des médias » furent ceux «d’obsolète» et «d’archaïque», sans que les journalistes puissent expliquer en quoi et pourquoi le système français serait dépassé. Ce qui est frappant, c’est qu’à chaque fois, le jugement porté n’était pas étayé (par des données, des analyses), mais seulement affirmé comme une évidence, les propos de Netflix étant abondamment relayés sans que les salles soient sollicitées. On peut apprécier la pertinence d’une régulation en fonction de ses valeurs, de ses objectifs, de ses résultats ou de ses modalités d’application. Pour ses objectifs et ses valeurs,
il y a au moins cinq principes vertueux qui fondent le système français : l’exception culturelle avec comme corollaire la régulation, la solidarité des acteurs de la filière avec la participation des diffuseurs au financement des œuvres, le soutien à la diversité et à la dimension artistique, l’aménagement culturel du territoire et l’éducation au cinéma. Est-ce que ces 5 principes sont archaïques ? Nous pensons exactement le contraire, ils n’ont jamais été aussi prioritaires.

Pour ce qui est des résultats, on ne le dira jamais assez : le cinéma français est leader en Europe, et dans le monde pour ce qui est du cinéma d’auteur. Des résultats loin d’être « obsolètes »… Le dossier sur l’exploitation américaine préparé par Laurent Creton montre, en revanche, le revers de la médaille industrielle d’Hollywood : l’absence de diversité et un cinéma d’auteur marginalisé. On aura bien compris que l’enjeu n’est pas seulement culturel ou économique mais également politique : quelle vision du monde a le spectateur-électeur américain quand il ne peut voir que des films… américains ?

Enfin, à propos des modalités d’application : oui, les supports de diffusion changent. Oui, les comportements également. Et oui, la fenêtre des 36 mois paraît très longue. Il y a donc un système à amender mais ce n’est pas là la demande de Netflix : « Nous aimons tellement le cinéma que nous voulons que tous puissent voir les films simultanément à leur sortie, en salles ou en VàD (…). Nous finirons par [y] arriver » a déclaré Reed Hastings, PDG de Netflix au journal Le Monde. Est-ce vraiment par amour du cinéma ? On en revient aux objectifs. Ils sont ici purement financiers. Le cinéma est réduit à un bien de consommation et les spectateurs à des consommateurs forcément impatients et cinéphages (c’est ainsi qu’ils rapportent le plus).

Qu’un opérateur aussi puissant que Netflix cherche à s’affranchir des règles afin d’augmenter ses profits, ce n’est pas très surprenant ; qu’en revanche une partie de la presse française, qui chante les louanges du film d’auteur dans leurs pages « critiques » à longueur d’année, sape en même temps le système qui permet justement la production et la diffusion de ces films, relève d’une méconnaissance du secteur, d’un manque de vision prospective et enfin d’une soumission à une idéologie où la raison du plus fort bénéficie d’un a priori très favorable.

François Aymé
Président de l’AFCAE

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