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Octobre-novembre 2016

LAURENCE ANYWAYS

En attendant les arbitrages du CNC concernant la réforme du classement des salles Art et essai, nous pouvons déjà saluer la recommandation du Médiateur du cinéma, Laurence Franceschini, sur les conditions d’exposition des films dans les cinémas mono écran. « La reconnaissance par les exploitants des pratiques et des préférences cinématographiques de leur public, très développée dans le cas des cinémas de proximité, leur permet d’assumer des choix de programmation et de proposer l’exposition la plus appropriée des films que le distributeur lui confie. Par ailleurs, le travail de promotion, d’animation et d’accompagnement d’un film diffusé sur un nombre réduit de séances peut constituer un élément qui doit être pris en compte dans la négociation entre l’exploitant et le distributeur, compte tenu de l’efficacité reconnue de ses résultats. Il peut ainsi, dans certains cas, contrebalancer le faible nombre de séances »*. Ce texte officiel est à la fois essentiel et novateur. Pour la première fois, après concertation avec les organisations professionnelles, les spécificités et les contraintes des mono écrans, qui représentent encore PLUS DE LA MOITIÉ DES ÉTABLISSEMENTS en France, sont reconnues et prises en compte. La demande du plein programme qui, pour un mono écran, revient à exclure toute forme de diversité, est considérablement restreinte : « elle ne pourrait se justifier, seulement pour les films dits « événementiels », d’une part, si l’exploitant le souhaite et d’autre part, dans certaines zones pour une durée très limitée susceptible d’être inférieure à une semaine en accord avec le distributeur »*. De plus, signe des temps, le sacro-saint travail quantitatif des salles (nombre de séances) peut enfin être contrebalancé par un travail qualitatif (animation, communication) dans le contexte d’une médiation. Ainsi, les demandes de la petite exploitation lors du Congrès 2015 de la FNCF, si elles n’ont pas été toutes entendues, ne sont pas restées lettre morte. D’autant que lors du Congrès 2016, Victor Hadida, Président de la Fédération nationale des Distributeurs de Films, a lui-même publiquement salué cette recommandation. Pour notre part, nous nous en réjouissons, même si nous souhaitons qu’elle soit élargie aux 2 et 3 écrans.

Mais si publier une recommandation est une première étape nécessaire, son application, qui peut être préventive, n’en est pas pour autant automatique. En 2015, seulement 14 médiations émanaient de la petite exploitation ! Et à fin septembre 2016, on ne compte que 20 médiations émanant de cinémas Art et essai ! Les rapports de force et les réflexes ont la peau dure. La balle est désormais dans notre camp. Cette recommandation sera efficace si les exploitants savent s’en emparer, si en cas de demande abusive de distributeurs, certains cinémas mono écran sollicitent Madame le Médiateur du cinéma, argumentaire à l’appui. Et ainsi puissent faire jurisprudence. L’AFCAE peut conseiller et accompagner ses adhérents dans cette démarche**. Mais disons-le, 34 ans après la création du Médiateur du cinéma, il demeure une forme d’appréhension, de réticence chez beaucoup d’exploitants. L’impression qu’aller chez le Médiateur, c’est entrer en conflit avec un distributeur alors qu’il s’agit au contraire de chercher à résoudre un conflit, d’arriver à concilier des points de vue. Et pour cela, le préalable est… de se voir, physiquement, de se parler et de s’écouter à défaut de s’entendre. Dans les années 50, à Bordeaux, il y avait plus de 50 agences de distribution. Il y en avait 5 dans les années 90. Il en reste une aujourd’hui. Exploitants et distributeurs ne se voient plus (en dehors des conventions et festivals), et la communication numérique aidant, ils se parlent de moins en moins. Médiation ou pas, Il faut pourtant savoir s’expliquer.

Le Médiateur du cinéma a été créé en 1982. Avant cette date, le rapport de force entre distributeurs et exploitants était non seulement l’usage mais la règle. Il a fallu historiquement que le Max Linder à Paris entame une procédure au tribunal de commerce en vue d’obtenir la version originale d’Indiana Jones pour voir naître cette autorité administrative indépendante. Aujourd’hui, c’est encore à Paris, pour les cinémas indépendants, que les problèmes d’accès aux films sont particulièrement aigus, récurrents et en aggravation constante***. Dans un marché en baisse régulière, où les films Art et essai représentent un tiers des entrées, les salles indépendantes sont de plus en plus souvent exclues des plans de sorties des films Art et essai porteurs qui sont pourtant historiquement leur champ de programmation naturel. C’est particulièrement flagrant cet automne alors que sur ces titres, on constate en province un partage plus ou moins équilibré entre circuits et indépendants des grandes villes. Nous alertons ici les pouvoirs publics et les organisations professionnelles sur cet état de fait. Ce qui est en jeu : outre la pérennité de lieux emblématiques, c’est la diffusion, dans la capitale, de dizaines et de dizaines de titres art et essai, qui seraient compromise sans ce réseau. Un état précis et public de cette situation inquiétante est aujourd’hui nécessaire, tout comme une régulation par voie de Médiation. L’autre chantier concernant ces établissements est bien entendu l’amélioration indispensable des conditions d’adhésion et de rémunération des cinémas « garantis » dans le cadre de l’agrément par le CNC des cartes illimitées. Sur ce sujet, les conditions actuelles sont proprement abusives. La loi « Liberté de Création » du 7 juillet 2016 peut et doit permettre la résolution de cet épineux problème par le biais d’une ordonnance qui devra être finalisée en 2017. Ce n’est pas la moindre des avancées de cette année. Sur ces sujets et concernant la capitale, l’AFCAE a commencé à travailler de concert avec les Cinémas Indépendants Parisiens et le SCARE. A suivre.

François Aymé, Président de l'AFCAE 
 

* http://www.lemediateurducinema.fr/Mediateur/Includes/Pdf/recommandation_mono_ecrans.pdf
** : En cas de médiation, l’AFCAE rembourse les frais de déplacements à ses adhérents.
*** Voir la synthèse de l’Observatoire de la diffusion cinématographique du 12 septembre 2016, et le focus sur la situation parisienne, p.21

 

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