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Présidentielle et éducation au cinéma

Le 10 mars, un mois avant l’élection présidentielle, la Fédération Nationale des Cinémas Français et Passeurs d’images ont invité chaque représentant des principaux candidats au cinéma Les 7 Parnassiens. Le sujet principal de cette rencontre inédite était « L’Éducation aux cinémas et aux images, un enjeu citoyen pour demain ». Saluons l’excellente initiative de la FNCF et de l’association coordinatrice de École et Collège au cinéma ainsi que l’animation impeccable de Julien Marcel, directeur de Boxoffice. Il n’y avait pas de représentant des candidats d’extrême droite. On notait également l’absence de personnalité issue du PCF. Un peu décevant quand on se remémore tout le travail d’éducation populaire de nombreuses municipalités PC ou les combats essentiels défendus par Jack Ralite. Sur le plateau, donc, cinq intervenants : Coline Bouret pour La France Insoumise, Jean-Marc Dumontet pour La République En Marche, Pierre-Yves Jourdain pour le Pôle écologiste, les sénatrices Laure Darcos pour Les Républicains et Sylvie Robert pour le Parti socialiste, toutes deux vice-présidentes de la commission de la Culture et de l’Éducation au Sénat. Premier sujet : l’éducation au cinéma et les formations idoines. Sans surprise, tout le monde est pour ! À une époque où les fake news pullulent, où les ados sont accrocs à leurs écrans, aiguiser le sens critique, susciter le goût pour les différentes formes de cinéma, aider à la compréhension des images, c’est une évidence… Oui, tout le monde (ou presque) est d’accord pour dire que l’éducation au cinéma devrait intégrer les enseignements essentiels. Et qu’il faudrait largement accroître le nombre de jeunes des dispositifs École, Collège et Lycéens au cinéma. Plusieurs intervenants rappellent les chiffres : seulement 3 millions d’élèves sur 12 participent à ces dispositifs. Ainsi Jean-Marc Dumontet se joint à ses collègues pour expliquer qu’il faut absolument toucher les 9 millions d’élèves exclus des dispositifs. Il ne donnera aucune explication en revanche sur le fait que le gouvernement n’a pas réussi pendant les cinq années écoulées à augmenter sensiblement le nombre d’élèves participant aux dispositifs. D’ailleurs, aucun candidat ne se risque à faire des annonces concrètes du côté de la formation ou des élargissements quantitatifs des dispositifs pourtant plébiscités dans leur fonctionnement. Laure Darcos évoque des formations pilotées par les DRAC, elle est vite rabrouée par Jean-Marc Dumontet qui, à juste titre, pointe la faiblesse des équipes face à une tâche considérable. Ce même Jean-Marc Dumontet rappelle, à raison, tout l’effort du gouvernement pour maintenir le réseau culturel debout malgré les fermetures administratives dues à la pandémie. Puis il déclare qu’il ne faut pas compter sur lui pour qu’il fasse des annonces. On pensait pourtant qu’un débat à un mois de la présidentielle, cela pouvait servir à cela. Nous arrivons donc à ce paradoxe préoccupant : l’éducation au cinéma est un sujet essentiel mais, en gros, les candidats n’ont, à ce jour, rien prévu de très précis. Cela n’est ni nouveau, ni étonnant et ni rassurant. L’éducation artistique et culturelle a sa place dans les discours, moins dans les actes. Il y a eu un bel élan donné à la fin du XXe siècle. Les bons acquis sont préservés, les efforts en formation sont pourtant fragilisés et c’est quasi un statu quo sur le quantitatif. Sur ce sujet, de notre côté, les trois principales propositions de l’AFCAE sont simples et, nous l’espérons, réalistes. Ainsi, pendant le prochain mandat présidentiel : doubler le nombre d’élèves participant aux dispositifs, proposer une formation à tout enseignant des dispositifs et étendre le travail à Étudiants au cinéma. Revenons à notre débat, après l’aide aux salles et le piratage, la dernière thématique de la rencontre fut… le pass Culture. Coline Bouret (LFI) et Pierre-Yves Jourdain (Verts) assénèrent une critique simple et efficace : ce n’est pas en donnant des chèques de 300 euros à des jeunes de 18 ans que l’on va les inciter à diversifier leurs pratiques culturelles. On applique ainsi une logique purement consumériste et individualiste à des objectifs culturels. Cela risque seulement d’amplifier les usages existants. Laure Darcos (LR) et Sylvie Robert (PS) expliquèrent, pour leur part que, dans un premier temps, elles ont partagé ces critiques, pour finalement soutenir les dernières évolutions du dispositif avec la création d’enveloppe de l’ordre de 30 euros par année et par élève de la 4e au lycée, enveloppe dédiée à des sorties organisées par les établissements. C’est, ni plus ni moins, il est vrai, une révolution copernicienne : il s’agit de retrouver le cadre scolaire et la dimension collective. Ce qui s’appelle justement de… l’éducation artistique et culturelle en fait (la formation en moins). Pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt ? Sachant que le projet du pass date de 2016 ! Jean-Marc Dumontet (LREM) résumait, lui, le sujet de la manière suivante : le pass Culture est « révolutionnaire », « moderne » et c’est « un succès ». Affirmation lapidaire ni développée, ni étayée. C’est moderne, parce que les propositions sont faites sur une appli avec algorithmes. Comme si le jeune de 18 ans allait automatiquement suivre les propositions arrivant sur son appli et comme si ces algorithmes pouvaient remplacer les avis d’amis, de proches, d’éducateurs, de parents, de médiateurs ou d’enseignants. L’algorithme est justement le contraire d’un véritable travail sensible de médiation. À quand une évaluation de la véritable efficacité de ces fameux algorithmes ? Quant à savoir dans quelle mesure le pass Culture est un succès, on attend encore la diffusion d’une analyse des pratiques des détenteurs. « On dit » qu’il est surtout utilisé pour les achats de livres, les mangas en particulier, dont les scores de ventes ont explosé. Les places de cinéma arrivent en deuxième. Jean-Marc Dumontet donnera le chiffre de 350 000 entrées pour 1,4 million de jeunes sur environ trois mois d’utilisation. Ce qui signifierait que 1 jeune sur 4 l’a utilisé pour aller au cinéma une fois sur un trimestre. C’est peu. Quant à savoir précisément quels sont les films concernés (Spiderman ? Batman ?), visiblement ce n’est pas encore la préoccupation première du représentant du candidat-président. Diversifier les pratiques était pourtant un des objectifs initiaux du pass. Si nous sommes toujours aussi dubitatifs sur le dispositif pass Culture dans sa forme initiale avec un coût exorbitant (240 millions d’euros) et une efficacité qui reste à démontrer, en revanche nous encourageons le futur gouvernement à développer sa version en établissements scolaires du collège au lycée qui nous semble nettement plus prometteuse. De la même manière, nous applaudissons des deux mains l’initiative du CNC, à savoir le fonds Jeunes cinéphiles doté de 4 à 5 millions d’euros, et qui incite les cinémas à proposer régulièrement des animations et des programmations pour les 15-25 ans, initiative curieusement absente du débat. On ajoutera que le développement des financements des postes de médiateurs dans les contrats État-Régions reste un moyen efficient pour installer de manière durable une relation cinéphile avec le public jeune. C’est ça qui est moderne !


François Aymé
Président de l'AFCAE

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