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Deux pas en avant, un pas en arrière

 

 

Dernier lundi de septembre 2015, sur une départementale normande. La pluie. Un appel. Le bluetooth ne fonctionne pas. Arrêt en rase campagne.

- Allo ! Ici Christophe Tardieu. François Aymé ?
- Oui
- La Présidente prendra la parole après-demain pour annoncer une réforme de l’Art et Essai. On va dépoussiérer, simplifier. Personne n’y comprend rien. Et puis ça fait douze ans qu’on n’y a pas touché. Mais bon, on ne va pas tout chambouler pour autant. D’ici Noël, c’est bouclé.

Ainsi fut (presque) fait. Un an de consultations et de réunions menées par Patrick Raude. Puis une année de plus d’ajustements, de simulations, d’argumentations. Et enfin deux années de mise en œuvre progressive. Soit quatre ans après : des propositions concrètes validées par les organisations professionnelles dont l’AFCAE, avec notamment un seuil rehaussé pour les villes de périphérie et les villes moyennes, une valorisation des labels Jeune public, Patrimoine et Recherche et Découverte, un classement pour deux ans, un coefficient multiplicateur augmenté pour les cinémas de 1 à 3 écrans, un bonus pour les courts-métrages diffusés… Et enfin, une enveloppe financière globale en hausse de plus 10%, soit 1,5 million supplémentaire pour justement financer ces nouvelles mesures. Bonne nouvelle donc, ternie néanmoins par l’annonce que ladite enveloppe serait désormais « fermée », autrement dit que contrairement à la décennie écoulée, où les aides progressaient au fur et à mesure du développement du travail des salles, dorénavant, la galette serait identique d’une année sur l’autre. D’où l’écrêtement de moins 5% de toutes les propositions des commissions Art et Essai pour tous les cinémas concernés l’an passé.

Et nous revoici fin 2019. En novembre, le CNC nous demande de participer à une concertation très rapide : en quelques semaines, avant l’adoption du budget prévisionnel 2020 par le conseil d’administration, il s’agit de trouver 15 millions d’euros d’économies sur le secteur cinéma, soit 5,29% des lignes concernées. Les organisations professionnelles sont divisées : certaines proposent d’appliquer un rabot uniforme, et d’autres (parmi lesquelles l’AFCAE, le SPI, le SDI, le SCARE, la SRF, le GNCR) défendent l’idée de préserver les aides sélectives dans une certaine mesure et donc de faire porter l’effort de manière plus importante sur les aides automatiques. Le CNC tranche pour la première proposition. Nous regrettons cette décision. Renoncer à épargner les aides sélectives c’est justement fragiliser l’expression d’une politique volontariste en faveur de la régulation et de la diversité. Cela concerne tous les stades de la filière : production, distribution, exploitation. Si nous revenons à notre cas concret du classement des salles Art et Essai : après quatre années de travail CNC-organisations professionnelles, c’est la moitié du chemin parcouru qui est effacé en une quinzaine de jours. De manière systématique et pour tout dire : arbitraire. C’est bien le contraire d’une démarche politique qui évalue et hiérarchise les besoins, les priorités et les résultats. D’autant que le CNC possède un service Études et statistiques, de nombreux rapports chiffrés.

Mais le CNC a fait savoir par voie de presse qu’il s’agissait là d’une décision motivée par l’urgence du calendrier, et que, dans l’année en cours, « toutes les lignes d’aides seraient mises à plat » afin de trouver, de la manière la plus efficiente, les fameux 15 millions d’économies pour le budget 2021. Si, dans cette formule de « remise à plat » des aides, il y a comme l’idée de traiter tous les acteurs sur un pied d’égalité, on peut y voir également un questionnement de la pertinence de toutes ces aides (ce qui rejoint certains propos de presse récurrents). D’où cette question : ces 15 millions d’euros d’économies sont-ils la raison d’une analyse de toutes les aides ou le prétexte ?

François Aymé
Président

(Courrier Art et Essai - Janvier 2020)

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