70 ans d’Art et Essai, un héritage vivant à transmettre
En signant l’affiche des Rencontres nationales Art et Essai Jeune Public, Florence Miailhe, que nous remercions chaleureusement, illumine la nuit d’un ciel de mille feux où toutes les projections sont possibles, l’émerveillement et l’enchantement permanents.
Voici le top départ des Rencontres 2025 au cœur de Saint-Étienne où nous aurons le plaisir de vous accueillir aux cinémas Le Méliès et en plein air pour une séance nocturne dans un site emblématique de la ville. Une édition particulière, car elle marquera à sa manière les 130 ans du cinéma, mais également les 70 ans du mouvement Art et Essai. L’occasion de rendre hommage, en compagnie de Vivien Halas, aux studios Halas & Batchelor qui ont produit il y a 70 ans La Ferme des animaux, adaptation de l’œuvre intemporelle de George Orwell. Rémi Chayé, invité d’honneur de cette édition, partagera avec vous son parcours, son univers artistique et la construction de ses récits empreints d’émancipation, si importants aujourd’hui. Un programme conçu avec le groupe Jeune Public où vous pourrez assister à des avant-premières, à une démonstration d’animation en papier découpé en direct avec Antoine Lanciaux, à un temps de réflexion avec le Comité 15-25 et à un échange autour de l’accessibilité en partenariat avec les acteur·rices locaux·les. Cette année, une formation « Médiation en réseaux et outils numériques » est proposée aux adhérent·es en amont des Rencontres. Enfin, la mise en place de sept ateliers, toujours pour repenser notre travail, nourrir nos réflexions, et réaffirmer les liens étroits qui nous unissent à nos partenaires distributeur·rices. En trois mots, se ressourcer, s’enrichir et partager pour rappeler l’importance de notre action culturelle au cœur des territoires, auprès des publics. Marguerite Duras imaginait en 1985 ce que serait l’Homme à l’ère du 21e siècle ! « Il sera littéralement noyé dans une information constante : sur son corps, sur son devenir corporel, sur sa santé, sur sa vie familiale, sur ses loisirs. Ce n’est pas loin du cauchemar… Il n’y aura plus personne pour lire. Ils verront de la télévision… on a des postes partout : dans les cuisines, dans les voitures, dans les water-closet, dans les bureaux, les rues… un jour un homme lira et puis tout recommencera… » Elle prédisait finalement les grandes lignes de notre siècle où l’image est omniprésente !
En cette année anniversaire de l’Art et Essai, plus que jamais l’actualité, les enjeux et les défis invitent à porter collectivement les valeurs de ce mouvement. La force de l’exploitation cinématographique, c’est sa résilience, comme le raconte précisément l’histoire du secteur. Aujourd’hui, l’ensemble des professionnel·les de la filière sont au rendez-vous. Alors oui, le contexte est difficile. Il faut appréhender les pratiques culturelles : elles sont plurielles et en constante évolution, dès le plus jeune âge. Le parcours de l’enfant-spectateur s’entend du domicile à l’école et aux temps de loisirs. Son capital culturel se construit à chaque étape, conjointement à son droit culturel. C’est pour cela que l’AFCAE et les 1 250 salles adhérentes travaillent sur tous les temps de l’enfant. Forts d’une expérience et d’une expertise, ces cinémas et leurs équipes sont des acteurs majeurs au service de la création dans toute sa diversité. Car il faut poursuivre les efforts : rappeler l’attractivité de la salle de cinéma pour tous les publics. Elle est une opportunité de liberté pour les spectateur·rices. Envisager l’espace public comme un espace de liberté, afin de reconnaître les cultures de chacun·e, pour construire ensemble dans l’intérêt général.
En cette rentrée, nous avons rendez-vous avec la jeunesse, l’enfance, la parentalité et l’éducation artistique et culturelle. Si le sentiment qu’un rouleau compresseur nous précipite collectivement vers un avenir anxiogène, prenons un instant le temps de reprendre la main, de réfléchir, de tenir un cap qui nous correspond, celui de l’épanouissement, du bien-être collectif, de l’altérité, de l’émotion esthétique et du langage. Nous en sommes convaincu·es, la richesse est au cœur des territoires, en proximité avec les publics et les partenaires locaux·les. Nous représentons des lieux à la fois différents par leur taille et leur localisation géographique, mais uniques et similaires dans leurs approches et leurs valeurs d’ouverture sur le monde, qui participent à ce maillage territorial si essentiel en ces temps troubles. Cette énergie et cette richesse que portent les salles sont précieuses
et importantes. Elles comptent dans la vie de la cité, dans la vie des films. Si le temps de l’ennui est indispensable au bon développement cognitif de l’enfant, le temps de l’imaginaire l’est tout autant. Nous l’avons déjà exprimé, la salle de cinéma est un formidable espace attentionnel. Le rapport de confiance est tout aussi soudé que fragile avec les publics. C’est tout le rôle et la présence nécessaire des médiateur·rices Jeune Public. Nous devons prendre soin collectivement des prescripteur·rices qui entourent les enfants, que ce soient les parents, les enseignant·es, les professionnel·les de l’enfance, car c’est un éternel recommencement.
Aujourd’hui, les politiques publiques prennent le pouls et la mesure du défi, nous ne pouvons que les encourager. Le rapport d’Édouard Geffray sur l’éducation au cinéma et notamment le dispositif Ma Classe au cinéma, ainsi que la nomination d’un délégué interministériel sont des perspectives de travail pour accompagner l’ensemble du réseau. Un réseau inquiet de l’état actuel des dispositifs fragilisés notamment par les nombreuses baisses budgétaires que nous connaissons.
Conscient·es des enjeux actuels, nous avons à cœur de présenter des œuvres qui éveillent l’esprit, le jugement et la pensée. Considérer le Jeune Public, c’est faire confiance aux enfants-spectateurs. Belle rentrée à tous et toutes avec toute l’équipe de l’AFCAE et du groupe Jeune Public.
Catherine Mallet
Responsable du groupe Jeune Public de l'AFCAE
