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TRIBUNE : des membres de la Commission Art et Essai répondent à Nathanaël Karmitz

26 Octobre 2015

Exploitants et membres de la commission nationale art et essai, nous sommes atterrés par la réaction de Nathanaël Karmitz suite à la perte du classement art et essai de deux de ses cinémas sur les six qui étaient classés jusque-là. 

La commission d'appel à laquelle il n'a pas souhaité avoir recours s'étant déroulée, nous pouvons sortir de notre obligation de réserve et estimons de notre devoir de rappeler quelques vérités à propos du cinéma d'art et d'essai, en replaçant cette question du point de vue de l'intérêt général de la diffusion de la culture cinématographique.

Nathanaël Karmitz s'en prend avec violence à la commission parce qu'elle a appliqué à ses salles les mêmes règles de bonus et de malus qu'elle pratique avec toutes celles faisant une demande pour cette aide de nature sélective. Outre le fait qu'il a délibérément refusé de répondre aux questions liées aux recettes annexes, il stigmatise avec virulence le prétendu manque d'objectivité et de sérieux de la commission. Ses salles n'ont pas été déclassées uniquement par la non communication des éléments demandés, mais aussi et surtout par une baisse de l'offre art et essai. Et, dans un cas, par l'état des salles.

Au-delà d'une démarche qui dessert l'intérêt général, une telle remise en cause d'un système vertueux, qui s'est constamment adapté à l'évolution du secteur, ne manquera pas d'interpeller les organisations professionnelles attachées à la concertation avec les pouvoirs publics pour préserver la diversité et le pluralisme cinématographiques sur l'ensemble du territoire.

Nathanaël Karmitz dénonce le caractère illégal de ces commissions alors que, depuis plusieurs décennies, l'enseigne qu'il a l'honneur aujourd'hui de diriger a bénéficié, légitimement, de cette aide sélective à la diffusion culturelle par le film. Aide dont il bénéficie encore cette année pour quatre de ses établissements.

La commission étudie avec impartialité, attention et bienveillance plus de 1 300 dossiers issus de toutes les régions, portés par des salles aux statuts différents (privés, associatifs, municipaux). Dès lors que la commission se doit de traiter de la manière la plus égale possible toutes les demandes des salles sur l'ensemble du territoire, elle ne saurait accorder un traitement particulier à un exploitant parisien, quel que soit par ailleurs la violence de la concurrence dans cette ville.

Certaines salles classées touchent 1 000 € de subvention, soit environ 250 fois moins que les sommes perçues par MK2 certaines années. Aussi minime soit-elle, cette subvention est néanmoins parfois vitale pour ces salles qui jouent un rôle essentiel dans l'aménagement culturel et social du territoire.

Les enjeux économiques d'équité et d'équilibre dans la répartition des 14,6 M€ de l'enveloppe art et essai dépassent le désir du respect du "secret des affaires" d'un exploitant, aussi singulier et important soit-il. Le secret des affaires n'est pas opposable à une autorité publique saisie pour l'octroi d'une subvention, que chacun est libre de demander ou pas.

Cette année, en cinq jours de commission nationale, nous avons relevé qu'en 2014, 60 millions d'entrées ont permis la découverte d'un film d'auteur dans une salle art et essai à moins de 20 minutes de chez eux. C'est dire le travail de maillage du territoire que ces salles développent pour la défense du cinéma d'auteur.

Il est paradoxal d'en appeler à plus de transparence alors qu'on s'éxonère de répondre à une demande légitime du CNC et d'une commission qui a la lourde responsabilité d'attribuer des subventions au regard du travail développé par les salles qui postulent au statut art et essai.

Si vraiment nous souhaitons et nous voulons préserver, voire développer, collectivement la diversité et la pluralité de notre parc cinématographique qui est notre bien commun, il est important de protéger ce système vertueux qui, par bonheur, relève de l'investissement des professionnels associé à une volonté publique forte.

Il va sans dire que nous sommes favorables à toute évolution du système qui aille dans le sens de la transparence, de la lisibilité, de l'efficacité et de l'équité. Nous sommes, avant tout, attachés à ce que soient préservés et développés le dynamisme, la diversité et la pluralité de notre parc cinématographique.

Ce n'est pas en cherchant à préserver les intérêts particuliers que cet objectif peut être atteint mais en étant mobilités au service de l'intérêt général.

Patrick Brouiller
Michel Ferry
Michel Humbert
Rafael Maestro.

Tribune publiée par Le Film Français le 21 octobre 2015.

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